Pour que les arbres se développent dans les meilleures conditions, l’homme a souvent intérêt à intervenir et à assurer une certaine gestion des peuplements entiers. C’est pourquoi il existe différents moyens de gérer les individus. Cette gestion va dépendre de nombreux facteurs.
La première grande question à se poser est de savoir si les arbres vont se reproduire de manière sexuée, ou non. On distingue ainsi les deux grands types de traitements existants :
le taillis ;
la futaie.
I Les régimes de taillis
Ce traitement se base sur la capacité des arbres à "repousser" quand on les coupe. Plutôt que "repousser", on parle d’arbres qui "rejettent". Bien que l’idée puisse surprendre, le fait de laisser le système racinaire en place ne provoque pas la mort de l’arbre lors de sa coupe. Ainsi, certaines essences vont pouvoir générer de nouveaux brins à partir des souches existantes. Ces brins vont grossir, former des tiges, que l’on pourra exploiter quelques années après. De nouveaux brins apparaîtront à nouveau et ce cycle peut être utilisé jusqu’à épuisement de la souche.
Le taillis simple
Le principe évoqué ci-dessus est celui du taillis simple. On peut le résumer de la manière suivante : la récolte provoque la régénération totale du peuplement, mais non sexuée. Il y a donc le même patrimoine génétique entre divers brins d’une même souche, même pour des générations différentes.
Peuplement de saule, traité en taillis simple
(Photo : Christophe BERTRAND)
Une fois que les brins ont atteint des dimensions acceptables, on pratique donc une coupe à blanc.
Ainsi, la récolte des bois provoque une régénération totale du peuplement, mais non sexuée. Il y a donc le même patrimoine génétique entre tous les brins d’une cépée, même pour des générations différentes.
Le taillis fureté
Pour le taillis simple, tous les brins ont le même âge et quasiment les mêmes dimensions. Cependant, il est possible de pratiquer une gestion plutôt irrégulière. C’est le taillis fureté.
Ainsi, on ne fait que récolter les brins commercialisables. Les brins trop petits sont laissés jusqu’à ce qu’ils atteignent les dimensions minimales requises. Les brins exploités, eux, provoquent des rejets. Sur une même cépée, on peut donc trouver des rejets et des brins de différents diamètres.
Contrairement au taillis simple, la rotation n’équivaut pas à la révolution : il faut plusieurs coupes pour recommencer un cycle.
Intérêts et Inconvénients
L’avantage du taillis est qu’il ne nécessite pas de travaux sylvicoles particuliers. Les investissements dûs à la gestion sont donc limités.
A côté de cela, les récoltes sont fréquentes (on peut espérer des coupes tous les 25 ans). Ces récoltes, souvent des coupes à blanc, sont tout de même peu appréciées du public environnant.
Au niveau des caractéristiques du peuplement, les dimensions sont petites, malgré un accroissement total très fort. On cherche à exploiter du petit bois, à faible valeur ajoutée.
Brins d’une cépée
(Photo : Christophe BERTRAND)
Mais la limite du taillis réside dans le choix des essences. En effet, toutes les essences ne sont pas aptes à rejetter. Si le taillis de Châtaignier ou de Charme peut être intéressant, on ne peut pas appliquer ce traitement sur les résineux.
Par ailleurs, les souches sont amenées à s’épuiser. Ce traitement n’est donc pas interminable et la plantation de nouveaux individus est nécessaire un jour ou l’autre.
Ce taillis est donc basé sur une reproduction végétative. A l’opposé, il est toujours possible d’utiliser la reproduction sexuée pour régénérer un peuplement.
II Les régimes de futaie
Les arbres issus de futaie sont le résultat d’une graine qui s’est implantée dans le sol, avant de se développer. On parle alors d’arbres de franc-pied.
Là encore, plusieurs manières de gérer ces individus.
La futaie régulière
Principe
Le qualificatif "régulier" désigne que tous les arbres du peuplement ont plus ou moins le même âge. Cela ne veut pas dire que les dimensions (hauteur et diamètre) sont les mêmes sur toute la parcelle.
Futaie régulière de Pins sylvestres
(Photo : Thibaud SURINI)
Pour ce régime, des coupes vont être nécessaires pour diminuer la densité et donc la concurrence entre les arbres. Cela favorisera un meilleur développement des individus restants.
Ces coupes peuvent prendre la forme de dépressages, dans le jeune âge d’un peuplement régénéré naturellement, ou bien d’éclaircies, dont on parlera dans un autre article.
Intérêts et Inconvénients
Cette futaie permet d’obtenir des arbres de grosses dimensions et d’une grande qualité, si les conditions de croissance et la gestion ont été favorables. En terme de production, c’est donc le système le plus valorisant.
Cependant, ce procédé est très long (on peut atteindre des révolutions de 200 ans pour du chêne sessile) et demande beaucoup d’investissements. Le temps de croissance accroît donc les risques : ainsi, la tempête de 1999 a mis par terre en une journée des arbres qui poussaient depuis des dizaines d’années.
Enfin, l’impact paysager n’est pas toujours des meilleurs. Lorsqu’on régénère naturellement un peuplement, il reste souvent moins d’une centaine de semanciers par hectare ; la coupe finale qui suit ne contribue pas à véhiculer l’image que les gens se font d’une forêt.
La futaie par bouquets et par parquets
Ce principe ressemble à la futaie régulière, mais la notion d’espace rentre en compte. En effet, on raisonne à des échelles plus petites qu’une parcelle.
Ainsi, on parle de bouquet pour une surface inférieure à 50 ares (5000 m2). La parquet lui, commence à partir de cette limite.
La futaie par bouquets ou par parquets se définit donc comme une futaie régulière sur un espace réduit. Sur chaque bouquet ou parquet défini, les arbres auront le même âge. Mais, entre deux bouquets ou parquets voisins, ces âges seront différents.
Ainsi, on peut parler d’une futaie régulière si on se place à ces petites échelles : il est en effet vrai de dire que sur ces portions, les arbres ont le même âge.
Cependant, on peut aussi considérer que cette futaie est irrégulière : à l’échelle de la parcelle ou de la propriété, les arbres n’ont pas le même âge entre eux, et n’est donc pas homogène, de ce point de vue là.
Pour une futaie par bouquets, les échelles sont tellement petites qu’on peut considérer cette gestion comme irrégulière. En effet, il peut y avoir des interactions entre les arbres d’âges différents, venant de deux bouquets voisins.
La futaie irrégulière, dite jardinée
Principe
Cette gestion vise à produire des bois de tout âge et donc de toutes dimensions. Il faut donc gérer la concurrence verticale entre les tiges (Ex : les semis doivent pouvoir se développer, malgré la présence d’individus plus grands autour). A l’opposé, en futaie régulière, on parlerait plutôt de concurrence horizontale (au niveau des houppiers).
La difficulté résulte dans la pérénnité du peuplement. En effet, on peut définir un équilibre, basé sur le nombre d’arbres par catégorie de diamètre. A chaque éclaircie, on doit donc prélever un nombre d’arbres précis dans chacune des classes de diamètre, pour revenir à l’équilibre.
Cependant, il est bien plus simple de faire cela dans la théorie qu’en pratique...
Intérêts et Inconvénients
L’intérêt peut tout d’abord être paysager. En effet, il n’y a jamais de coupe rase, et les éclaircies laissent toujours un peuplement suffisamment dense. De même, le fait d’avoir plusieurs strates est preuve de diversité et plaît généralement au public.
Cette diversité se retrouve au niveau des produits récoltés. En ayant toutes les dimensions possibles, on peut approvisionner de nombreux secteurs de transformation du bois.
En revanche, ce traitement ne peut pas s’appliquer sur toutes les essences. Il faut qu’elles puissent supporter des périodes d’ombre, surtout à l’état de semis.
Par ailleurs, la gestion est des plus complexes. Il est difficile de respecter l’équilibre et la pérennité du peuplement. Ainsi, un déficit dans telle ou telle classe de diamètre peut remettre en cause tout le système.
III Le taillis sous futaie, ou taillis avec réserves
Ce dernier type de traitement voit le mélange entre des brins de taillis et des arbres de franc-pied. On a donc deux strates et deux modes de croissance différents.
Principe
Concernant les arbres de franc-pied (appelés "réserves"), le traitement est irrégulier. On dispose en effet d’arbres d’âges et de dimensions différents. A chaque rotation, on va donc couper certains arbres, dans chaque catégorie de diamètre, afin de respecter un équilibre. La détermination du nombre d’arbres à conserver par catégorie est appelée "Plan de balivage".
Par ailleurs, lors de ces interventions, le taillis est intégralement coupé, ce qui permet à la lumière d’accéder au sol. Les réserves, aptes à se reproduire, peuvent donc ensemencer le sol dans de bonnes conditions, sans concurrence du taillis. Les nouveaux semis vont donc pouvoir se développer, en même temps que les rejets de souche du taillis.
Il faut cependant s’assurer que les semis pourront survivre à la repousse des brins, car ces derniers ont un accroissement bien plus fort que les semis.
On comprend donc que les arbres ont toujours un âge lié à celui du taillis. On distingue donc plusieurs catégories de réserves :
Baliveau : Réserve qui a le même âge que le taillis ;
Moderne : Réserve qui a deux fois l’âge du taillis ;
Ancien : Réserve qui a trois fois l’âge du taillis ;
Bisancien : Réserve qui a quatre fois l’âge du taillis ;
Vieille Ecorce : Réserve qui a au moins cinq fois l’âge du taillis.
Intérêts et Inconvénients
Le principal intérêt est le taillis qui jour le rôle du sylviculteur en protégeant les billes des réserves. En effet, grâce à l’ombre fournie, il empêche l’apparition de nombreux défauts (Ex : Gourmands).
Par ailleurs, aucun travail sylvicole n’est nécessaire. C’est synonyme d’un investissement très faible pour le propriétaire.
Au niveau du bois produit, on peut parler d’hétérogénéité dans les lots. A chaque récolte (qui a lieu tous les 25 ans environ, pour éviter que le taillis ne devienne trop gros), on prélève du bois de taillis et des réserves, de dimensions variables.
On peut même appliquer ce traitement à de nombreuses essences, car, une fois au-dessus du taillis, les réserves n’ont plus de contraintes particulières.
Le seul problème a sûrement lieu au moment de la régénération. En effet, si le taillis est trop vigoureux, il est possible que les semis ne survivent pas. Ceci peut créer un déséquilibre, difficile à rattraper.
Malgré ses nombreux avantages, ce régime a tendance à être abandonné, au profit des futaies régulières (en forêt publique, tout du moins).
Thibaud Surini
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