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   Ecologie
L’île de Madère ou la forêt malmenée


Si l’envie d’exotisme vous prend et que les chaleurs des tropiques vous rebutent, allez faire un tour sur l’île de Madère : vous y trouverez un climat doux, un accueil chaleureux et des paysages enchanteurs, non encore défigurés par le tourisme de masse.

Localisation géographique et données climatologiques

L’île de Madère fait partie de l’archipel de la Macaronésie, avec les Açores, les îles Canaries et le Cap Vert. Située en plein océan Atlantique, sur la plaque tectonique africaine, Madère est à plus de 900 km au sud-ouest de Lisbonne et environ 800 km des côtes marocaines. Découverte en 1419 par les navigateurs Zarco et Teixeira, elle fut nommée « l’île boisée » (en portugais a ilha da madeira) en raison de la forêt impénétrable qui la recouvrait. D’origine volcanique, Madère est une « petite » île de 730 km² ; longue de 55 km, pour une largeur moyenne de 20 km. Depuis les côtes, son altitude s’élève très rapidement - plus de 50 % de son territoire est au-dessus de 1 000 m d’altitude - pour atteindre 1 861 m au Pico Ruivo. Le centre de l’île est hérissé de nombreux pics acérés, alors que la partie nord-ouest est constitué d’un étonnant haut-plateau le plus souvent noyé dans les nuages.

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Vue de la côte nord depuis Portela

Madère doit ses particularités climatologiques à sa position géographique et situation océanique. Le climat est caractérisé par des températures douces et peu variables tout au long de l’année. Celles-ci ne chutent jamais en dessous de 15°C et ne dépassent guère 25°C en été. Il faut cependant modérer ces chiffres car en altitude la température chute sensiblement ; cette donnée n’est pas à négliger lorsque l’on souhaite randonner dès 1000 m.

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Boca da Encumeada (1007 m d’altitude), vue de la vallée allant vers la côte nord

L’île est située sous un régime de vents océaniques venant du nord-est. Chargés de l’humidité de l’océan, les nuages se condensent en pluie au contact de l’air frais d’altitude lorsqu’ils abordent la côte nord de Madère. La côte méridionale, protégée de vents dominants et des fortes pluies, est donc (relativement) plus sèche et ensoleillée.

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A gauche : Falaises maritimes de la Ponta de Saõ Lourenço
A droite : Vue du village de Curral das Freiras

Si la colonisation par l’homme est intervenue dès la découverte de l’île, Madère n’est jamais devenue l’eldorado tant attendu des explorateurs portugais. Son relief très accidenté, son éloignement important et une absence de richesses premières n’ont jamais permis à ce petit caillou de devenir une grande terre. La misère a toujours régné sur Madère et elle fut, comme les Açores, un lieu de forte émigration vers les continents européen et sud-américain dès le début du XIXe siècle. Madère ne doit, certainement, sa survie qu’à l’entrée du Portugal dans l’Union européenne en 1986. Ainsi, les fonds européens pour le développement ont-ils permis un remarquable travail de modernisation des infrastructures routières et aéroportuaires, désenclavant l’île et permettant l’émergence d’un tourisme vert de qualité, qui reste aujourd’hui la principale ressource économique de Madère.

La flore de Madère

Il est très difficile de vouloir définir ou même caractériser la flore de Madère, tant l’île a subi de profonds changements depuis sa découverte et dont les répercussions se sont fait largement sentir sur les espèces végétales locales. D’une manière générale, on peut rapprocher les espèces littorales de la flore méditerranéenne, par leurs adaptations aux fortes chaleurs, à l’aridité et à la salinité océane. Autour des villages et dans les zones cultivées, la flore est très souvent composée d’espèces allochtones d’origine tropicale, naturalisées depuis des siècles sur l’ensemble de l’île : il en est ainsi des Agapanthes (Agapanthus sp. pl.) et des Hortensias (Hydrangea sp.) plantés et totalement naturalisés le long des si célèbres levadas - ces petites rigoles d’adduction d’eau qui courent sur des centaines de kilomètres - des Crocosmias (Croscosmia x crocosmifolia) originaires d’Afrique du Sud, des Oiseaux de paradis (Strelitzia reginae), ainsi que de nombreuses espèces vivrières cultivées et échappées des jardins.

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Boca da Encumeada (1007 m d’altitude), levada de Folhada

Plus l’on monte en altitude et plus la flore devient hygrophile, tant l’humidité est présente sur les hauteurs de Madère. Les montagnes sont recouvertes de forêts denses. Ces formations forestières sont typiques des îles humides macaronésiennes et sont appelées des laurisylves, en raison de l’importante présence d’espèces de la famille des Lauracées. On peut ainsi y trouver fréquemment le Laurier des Açores (Laurus azorica), l’Avocatier d’Inde (Persea indica), le Tils (Ocotea foetens), le Barbuzanos (Apollonias barbujana) et d’autres espèces typiques tels l’Arbre à Muguet (Clethra arborea, famille des Cléthracées), le Houx péraldo (Ilex peraldo, famille des Aquifoliacées) et la Bruyère arborescente (Erica arborea, famille des Éricacées) qui, ici, porte bien son nom tant les individus sont d’une taille imposante. L’ensemble de ces espèces arborescentes est noyée sous un cortège d’herbacées et d’arbustives très important dont les principales espèces sont le Laiteron arbustif (Sonchus fruticosus), joliment surnommé « Arbre à Pissenlit », le Sisymbre buissonnant (Erysimum arbuscula), Sibthorpia peregrina, Vaccinium padifolium, Geranium palmatum, etc.

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Queimadas, levada do Caldeirao Verde (883 m d’altitude), ravin à Sonchus fruticosus

Les fougères sont également très présentes et forment parfois de véritables sous-bois inextricables. On rencontre très fréquemment la Fougère radicante (Woodwardia radicans), étonnante par la formation d’un propagule en fin de fronde qui s’enracine dans le sol pour donner de nouveaux pieds, Pteris incompleta, Davallia canariensis, Polypodium vulgare subsp. macaronesicum, Dryopteris sp. pl., Blechnum spicant, etc.

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Boca da Encumeada (1007 m d’altitude), levada de Folhadal, jeunes frondes de Woordwardia radicans

La strate muscinale est très représentée et fortement diversifiée. De très nombreuses espèces d’Hépatiques, de Lycophytes et de Bryophytes sont observables, en particulier sur les rochers suintants et les sous-bois gorgés d’eau en altitude. Ainsi, Selaginella kraussiana (Lycophyte, famille de Sélaginellacées) est très fréquente, ainsi que certaines espèces du genre Anthoceros (Bryophyte sensu lato, Anthocérophytes).

Les pics centraux de l’île, dont l’altitude dépasse souvent 1 500 m, présentent en flore quasi-montagnarde, adaptée au climat très frais (voire froid) spécifique de cette zone de Madère. Les espèces arborescentes et arbustives laissent place à un cortège d’herbacées et de muscinées : entre autres, Aeonium sp. pl., Armeria maderensis, Echium candicans, Anthyllis lemanniana, Deschampsia maderensis, Sedum farinosum, etc.

L’endémisme est relativement bien développé à Madère. Environ 10 % des espèces végétales indigènes ne sont observables que sur cette île. Ce taux relativement important s’explique par les singularités géologiques, climatologiques de l’île, mais surtout par son éloignement important des autres terres provoquant le phénomène de spéciation par isolation génétique.

Madère et sa forêt

Dès l’arrivée des premiers colons portugais, au début du XVe siècle, l’île fut déboisée pour mettre en place les premiers champs de céréales, puis de canne à sucre et autres espèces d’intérêt commercial. La grande forêt fut petit à petit grignotée et le bois servit à la construction des habitations. L’histoire dit que Zarco ordonna un brûlis général de l’île pour faire de la place : l’incendie aurait ainsi duré près de sept années au cours desquelles l’antique forêt fut pratiquement réduite à néant.

De vastes plans de reforestation ont été pratiqués dans les années 1950 par l’introduction d’espèces à forte croissance, pour faire retrouver à Madère son faciès forestier. Hélas, les espèces choisies n’étaient pas les meilleures du point de vue écologique, elles se sont révélées fortement invasives et ont achevé d’appauvrir la flore indigène sur des centaines d’hectares. Aujourd’hui, les forestiers tentent d’éradiquer les Eucalyptus (Eucalyptus globulus) et les Acacias (Acacia mearnsii) anciennement plantés, par des plans d’arrachage systématique de grande envergure.

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Portela (670 m d’altitude), vue des forêts de pente, dégradées par Eucalyptus globulus, Acacia mearnsii et Pinus sylvestris

Il en est de même avec les Pins sylvestres (Pinus sylvestris) dont les aiguilles en décomposition rendent le sol stérile et inapte à toute replantation par la diffusion de composés phénoliques et un pH acidifié.

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Les erreurs du passé ont été prises en compte et le gouvernement autonome de Madère organise, depuis une dizaine d’années, des programmes de reboisement avec de jeunes plants d’espèces typiques de la laurisylve madérienne. Les résultats sont inégaux : les replantations souffrent grandement de la concurrence des espèces invasives à fort pouvoir recouvrant. Cependant, faudra-t-il encore attendre une trentaine d’années avant de pouvoir juger du succès global de l’opération.

Quelques pans de la forêt originelle madérienne - la laurisylve - restent toutefois observables sur les hauteurs, aussi bien sur la côte nord que sur la côte sud. Deux variantes de la laurisylve sont présentes, en fonction du degré de l’hygrométrie locale. Cependant, les espèces discriminantes de ces deux types de laurisylves sont souvent mélangées entre elles et les distinctions sont-elles peu décelables pour le profane.

Conclusions

L’île de Madère cumule à elle seule de nombreux avantages qui concourent à attirer chaque année un nombre considérable de touristes venant des quatre coins d’Europe. Elle est le paradis du marcheur, du randonneur et du trekkeur. Ses paysages très diversifiés, depuis les falaises maritimes arides jusqu’aux forêts néphéliphiles, vierges, enchantent l’amoureux de grands espaces authentiques. Ici, point de plages pour le farniente, mais des hectares de verdure, où l’eau suinte de partout, pour se ressourcer. Une fois reparti de Madère, assurément, une délicate envie de revenir vous prendra.

Remerciements :

Je tenais à remercier chaleureusement Philippe Danton qui m’a fait découvrir cette île perdue au milieu de l’océan Atlantique. Il a patiemment guidé mes pas à travers une végétation qu’il connaît bien et a su me transmettre (un peu de) tout ce qu’il avait appris d’elle par des années d’observations. Un grand merci également à l’ami René Delépine pour avoir organisé ce voyage épique dont nous nous souviendrons longtemps. Les voyages ne forment-ils pas la jeunesse ?

Bibliographie (non exhaustive) :

DANTON P. & GUITTONNEAU G.-G., 1999 - Comptes rendus du voyage d’étude à Madère de la Société botanique de France (5-12 et 12-19 juin 1999). Journal de la Société botanique de France, 11, p. 5-19.
DELAVEAU P., 1990 - Excursion à Madère. Bulletin de la Société botanique de France, 137 (4/5), p. 325-330.
FOUCAULT (de) B., 1999 - Notes phytosociologiques sur la végétation observée lors du voyage à Madère de la Société botanique de France (juin 1999). Journal de la Société botanique de France, 11, p. 21-28.





Olivier Escuder

 
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